Hier soir se tenait à l'excellent et éternel cinéma Comedia de Lyon, l'avant-première du "french guts wretching movie" Martyrs. Une oeuvre qui aura fait couler beaucoup d'encre avant sa sortie en salle finalement fixé au 3 septembre. Problème évidemment lié au comité de classification française des films, la noirceur du propos et la dureté des images le plaçant directos en bouc émissaire des groupuscules les + extrêmistes de notre pays (Famille de France en tête). Après finalement 3 passages en commission de débat, le métrage de Pascal Laugier se voit finalement interdire au -16 et évite le -18 (pornographique seulement, d'après la loi) tant redouté pour la distribution dans les salles de notre beau pays. C'est donc d'une sulfureuse réputation que jouit "Martyrs" depuis plusieurs mois. Celle d'une oeuvre redoutable, difficile à encaisser et choquante. Il était temps de voir cela par moi-même !
Chapeauté par l'association ZoneBis (http://www.zonebis.com/news/), les spectateurs venus + que nombreux ont été gâté. Déjà par l'organisation d'une telle séance, enviée par beaucoup d'autre villes françaises, et par la présence du réalisateur Pascal Laugier et de l'actrice principale Morjana Aloui en fin de séance pour une séance de question-réponses avec le public. La salle (2ème + grosse capacité du Comedia, avec environ 250 sièges (Obscurs) à vue de nez) affichait quasi-comble et après une brève introduction par ZoneBis, la séance débuta par un hommage vidéo funeste de 6mn consacré à Benoit Lestang, maquilleur du film et par expansion l'un des + grands maquilleurs fantastique de genre français. Après avoir bien ri du kitch que peut représenter aujourd'hui les 1er film sur lesquels il a travaillé ("La Morte-Vivante"), l'ambiance retombe et "Martyrs" peut débuter notre descente aux enfers.
ATTENTION POUR CEUX QUI TIENNENT A GARDER LE SECRET QUI ENTOURE LE FILM, JE VAIS REVELER 80% DE L'INTRIGUE, afin de cerner complètement ce qui a fait soulever tant de polémique.
Le premier plan nous place près d'une petite fille s'échappant d'une usine désaffectée, en sang et visiblement torturé. La caméra suit de près le protagoniste, ne laissant que peu de place à l'environnement alentour. Une telle proximité avec les individus nous accompagnera tout du long, et sera indéniablement un facteur de malaise. La quasi abscence de toute musique participe également à l'insertion dans le chaos ambiant. Quoi qu'il en soit, la jeune Lucie (car c'est son nom) est placée dans un orphelinat où elle fera la connaissance d'Anna, qui sera sa meilleure amie et éternelle compagne. Mais Lucie est obsédée par la vision d'une morte (incroyablement effrayante, chapeau monsieur Lestang) qui lui lacère la peau dès que l'occasion se présente... 17 ans + tard, on se retrouve dans l'intimité d'une famille Ricoré l'ami du petit déjeuner, en plein stéréotype de bonheur banlieusard. Quelqu'un sonne à la porte, Lucie dézingue alors au fusil toute l'assemblée, jusqu'à la petite fille de 7 ans. Elle pensait avoir reconnu ses tortionnaires, et les tuer aurait chassé la morte qui la hante depuis des années. Anna arrive pour nettoyer les lieux, malgré l'horreur que lui aspire ce qu'elle voit, elle aide son amie aveuglé par l'amour qu'elle porte pour elle. Sans en dévoiler + (et il y aurait matière), Lucie finit par s'ouvrir la gorge, toujours contrôlé par sa schizophrénie d'une morte qui agirait à sa place. Vlan, on arrive au milieu du film et l'héroïne décède ! Fin du 1er acte.
Car "Martyrs" se découpe en 3 actes bien précis, selon les dires de Mr Laugier. La 2ème (la + éprouvante à mon goût) consiste en la découverte d'une cave laboratoire sous-terrain sous la maison par Anna. Et à l'intérieur, une femme horriblement mutilé qu'elle tentera d'aider. Ces 20mn sont proprement traumatisant, la femme mutilée étant criante de réalité, et la proximité que tentera d'instaurer Anna avec elle étant en tout point touchante et désespérée. Sans la décrire, la scène du bain devrait rester dans l'inconscient collectif.
Puis vient le dernier acte, celui où le film prend "enfin" la forme de celui que l'on pensait qu'il soit, à savoir un film de torture sadique. Anna se fait attaché dans la cave par Madame de Fontenay (ne cherchez pas à comprendre, allez le voir) et martyrisé comme pas possible. La réalisation devient pénible, à la hauteur du calvaire vécu par la femme. Attaché, nourri de force d'une mixture immonde, battu tous les jours par un malabar, les fondus noirs s'enchainent comme pour faire croire que le film se termine... Et puis non, l'échelle redescend et la torture reprend. Puis vient le dernier quart d'heure, où un chirurgien prend le relai, et là je n'en dirai carrément pas plus.
FIN DES EVENTUELS SPOILS !
Madame de Fontenay, cependant bien - flippante que dans la vraie vie
Ce que j'ai retenu du film, c'est le travail remarquable des actrices (quasi-inconnu, et faisant passer toutes les émotions du monde sur leur visage) mais aussi le vrai malaise qu'instaure la réalisation. Bien loin d'un "Hostel", auquel je pense beaucoup de gens iront sommairement le comparer, on est ici plongé dans une histoire profonde avec une réalisation intimiste digne des + belles heures du cinéma d'horreur italien des 70's,80's. Tourné avec un budget de misère (2 millions d'euros), Laugier s'est refusé à écrire un story-board et a laissé parler son âme de metteur en scène une fois sur le plateau pour renforcer ce coté "live action". Il n'est pas donné à tout le monde de réussir telle manoeuvre, et on ne peut que voir en lui un réalisateur à fort potentiel futur. Au niveau de la capacité à encaisser le dureté des images, quelque personnes ont quitté la salle comme c'était à prévoir, et il est amusant de noter que le 1er couple a déserté... pendant une scène de coupage de cheveux ! (après peut-être qu'ils n'ont pas aimé le reste, allez savoir)
Morjana Alloui
La rencontre avec lui et Morjana Aloui a d'ailleurs abouti à une riche séance d'interview public, où le film a été décortiqué dans tous les sens durant + d'une heure par des spectateurs connaisseurs de leur sujet. Sa vision du genre horrifique et son amour pour le cinéma lui aura valu plusieurs applaudissement mérités, alors que l'actrice à ses cotés ne semblaient pas vraiment dans son assiette. Sans vouloir émettre de supposition douteuses, elle se contentait de réponses farfelus mais le plus souvent oubliait ce que l'on avait posé, voir refilait ses questions à Pascal Laugier. En tout cas, elle possède un charme, un charisme et un talent d'actrice qui peut lui permettre de voir très loin !
Pour résumer, une formidable soirée, très instructive et remplie de gens intéressés et intéressants. Un film à émotions, une organisation au poil et des intervenants passionnés. Le Siège Obscur cautionne ! Et un nouveau p'tit coup de lien pour la route ! (http://www.zonebis.com/news/)
Et que le Siège Obscur vous glue vos miches sur places si l'envie vous prend de déserter !